Ça y est, Joseph Kabila se mobutise !

Il s'est fait avoir le pauvre ! Joseph Kabila est en train d'être tourné en bourrique par des communicants qui recourent aux mêmes méthodes jadis utilisées par Sakombi Inongo au service de Mobutu. Et pourtant, le jeune président avait semblé avoir en horreur une propagande qui prendrait ses compatriotes pour des imbéciles. Le site cinqchantiers-rdc.com créé pour promouvoir les « cinq chantiers de son mandat présidentiel » est une insulte à son intelligence et à son bon sens.

De l'indécence face à la misère des populations qu'on commence à saouler avec les « Cinq chantiers » comme jadis un certain Mobutu avec « Objectif 80 » ou encore la campagne de « changement de mentalités » en équivalent de « l'esprit de Salongo » prôné par le maréchal au retour d'un voyage de la Chine de Mao Tsé-Toung. Pour nous en rendre compte, allons ensemble sur le site des « Cinq chantiers  » dénicher quelques pépites d'absurdités, des phrases creuses et des appels appuyés aux affairistes de tous poils.

C'est connu, un pays qui sort de guerre est une terre prospère pour les affaires et on y voit de nouveaux riches pousser comme des champignons et prospérer d'une manière fulgurante. Bizarrement, on a le sentiment que c'est le renforcement de cette option que semble promouvoir Joseph Kabila dont le tout premier texte sur ce site officiel de « Cinq chantiers » est intitulé : « Soyez les bienvenues en RDC, terre des opportunités ». On ne sait d'ailleurs pas pourquoi « Bienvenues » est au féminin pour ce slogan qu'on pourrait également entendre comme « Bienvenue aux opportunistes » car plus loin Joseph Kabila insiste : « Les Cinq Chantiers sont donc une opportunité en or d'entreprendre en République Démocratique du Congo.

Depuis mon accession au pouvoir en janvier 2001, des efforts ont été entrepris pour mettre en place un cadre économique et politique favorable à l'épanouissement des affaires ». Le président de la République ne parle, en effet, pas du développement de la RDC mais bien de « l'épanouissement » des affaires en sachant très bien que l'un ne va pas nécessairement avec l'autre. Cela me rappelle ces chasseurs qui abattaient un éléphant et qui rameutaient tout le village pour dépecer cette bête immense.

Un peu plus loin, quand on va dans la rubrique « santé », les actions à venir sont énumérées mais pas un seul mot sur la prévention, sur l'éducation à la santé, bref sur la prophylaxie. Mais sur cette page santé qu'est ce qu'on voit ? Une publicité pour des bières locales, en clair une incitation à l'alcoolisme, ce fléau qui ronge profondément la société congolaise.

Impensable, le site officiel d'un président de la République qui vante les bières, qui incite à consommer de l'alcool. C'est plus qu'une faute morale sans parler du flou juridique qui entoure le statut de ce site qui est un organe de presse qui devrait justifier de toutes les autorisations d'existence car il perçoit des recettes publicitaires comme n'importe quel autre organe de presse congolais.

Un contenu niais où le ridicule le dispute au risible

Pour ne pas désespérer définitivement l'opinion de la RDC, je vais relever juste deux illustrations burlesques. Pour démontrer que les « Cinq chantiers » ne sont pas du blabla, les rédacteurs du site donnent un exemple qui détonne : « Sur fond propre, la nouvelle équipe dirigeante de l'Inspection Provinciale de la Police de Kinshasa vient de réhabiliter deux blocs où( qui , ndlr)

abritent actuellement Les bureaux de l'inspection provinciale pendant que l'immeuble principal est en pleine réhabilitation. Selon l'ingénieur André KIBAYA, chef du département des travaux, la réfection consiste à la maçonnerie, à la menuiserie et à la plomberie ». Ainsi donc de menus travaux de maçonnerie, de menuiserie, de peinture et de plomberie dans un petit commissariat sont comptabilisés comme faisant partie de « cinq chantiers » ! Idem pour l'asphaltage d'à peine 1,8 km de chaussée dans la commune de Lingwala à Kinshasa.

Et quand la parole est donnée à un membre du gouvernement, c'est catastrophique. Ainsi le ministre de la défense cite les priorités et parle comme si la guerre appartenait au passé. Pas le moindre mot sur la guerre dans le Nord-Kivu et ses centaines de milliers de déplacés. Peut-être que ce dernier n'ose présenter la fin de cette guerre comme un objectif parce que se sachant incapable de la gagner.

Sa collègue du travail et de la prévoyance sociale ne fait pas mieux. À une question simple sur comment les « Cinq chantiers » seront créateurs ou générateurs d'emplois, Madame la ministre répond complètement hors sujet. Lisez plutôt. Le journaliste demande : « Comment comptez vous procéder pour la création de ces emplois ? ».

Et la ministre de répondre : « L'emploi sera crée dans plusieurs secteurs. Nous pouvons dire rapidement en tête des listes : Dans l'Agriculture, les Travaux Publics, l'Énergie, les Postes et Télécommunications, les Hydrocarbures, le Développement rural, l'Environnement, même la Fonction Publique qui aura besoin d'accroître encore les ressources humaines. Dans nos PME aussi, il y aura énormément de secteurs porteurs d'emplois et qui ont fait le travail d'identifier toutes les opportunités d'emplois, il y en a des millions. Mais pour des raisons de réalisme on s'est mis d'accord qu'on va avoir comme objectif ( la création , ndlr) de 650.000 emplois »

C'est bizarre comme le pouvoir rend les puissants crédules et les met à la merci des marchands de vent des temps modernes appelés communicants ou des coaches en communication. Mobutu s'était laissé ainsi berné par ces thuriféraires qui avaient saturé tous les médias nationaux d'odes à la gloire du Président-fondateur. Sakombi et ses semblables ont tellement embobiné Mobutu que ce dernier était aveuglé au point de penser qu'il n'avait rien à craindre des Zaïrois.

Laurent-Désiré Kabila a dénoncé ce culte de la personnalité de son prédécesseur mais a fini par se laisser tenter en redonnant à Sakombi son bâton de prestidigitateur à son service. Kinshasa fut envahie des panneaux à la gloire de « Mzee, l'homme que la RDC attendait ». Mzee assassiné, Sakombi a beau raconté que le défunt président est venu lui parler en rêve, le fils n'en a pas voulu et l'avait congédié.

Mais au fil du temps, sans doute hanté par le déficit d'image à Kinshasa lors de la campagne électorale, Joseph Kabila est en train de s'offrir aux flatteurs et zélateurs de tous poils.

Dans la cour des grands, l'action des thuriféraires -appelés aujourd'hui communicants- a quelque chose de méprisant pour ceux qu'ils flattent et dont ils prétendent magnifier la grandeur. Ils ont sévi du temps de Mobutu, ils ont berné Laurent-Désiré Kabila et ils sont en train de s'offrir Joseph Kabila. Il manque juste dans le paysage Ndjoku Ey'Obaba et Sakombi Inongo pour que le tableau soit complet.

Congoplus